Dark Waltz

Immolée dans la saveur virginale du jardin d’Eden, l’ange apprécie les branches espiègles de l’arbre enchanteur, ses fruits sublimes exhalant leur senteur divine, la main se tend pour effleurer les esquisses délectables du créateur, Eurynome siège, pensive, à l’ombre de ce paradis. Alors l’ombre s’élève sur l’aura lumineuse de la sainte, la main pénètre l’envolée attristée, une lueur dans ses orbes cristallins quand elle remarque le frère, l’époux, l’amant, elle peut sentir sa haine chose inhabituelle, cette démence dans ses iris stridulants. Elle ne parle pas, écoute, ses réflexions, célèbres de ses comparses pour jeter dans les limbes les malhonnêtes, les repus des vices exécrables, il lui parle des clefs derechef vissées sur le panthéon des tours inatteignables, le palais du seigneur régnant de la miséricorde accordée à ces deux êtres chétifs, bipèdes, qui attirent par leur originalité. Ils possèdent le corps, la matière tandis que les enfants des cieux brillent de leur aura mystérieuses. Elle frôle de ses doigts immatériels l’âme nauséabonde de jalousie, elle souhaiterait l’apaiser, le rassurer, le consoler, non le défier, mais le raisonner ; cependant l’étoile du soir a fait son choix depuis les millénaires imposés, comme un gouffre béant il dégueule de ce sentiment vicié, il éjacule les maux sempiternels, ces quelques larmes de rages pour les nouvelles vedettes humaines. Viens avec moi lui dit-il alors qu’une dernière fois elle observe cette empyrée maladive. Elle tombe pour lui, elle chute pour lui, par l’amour porté, par le terrible écho de la folie. Eurynome devient jolie prêtresse, d’angélique elle se métamorphose, des élytres ébènes ornent le front de la demoiselle devenue démente, gouvernant toutefois avec la sagesse d’une reine.

Figée, elle semble de ces apparitions fantomatiques, les voitures dégringolent, chavirent sur les routes polluées de New York, New York… le nom clochette dans l’esprit anesthésié de l’ombre féminine, elle qui sillonne les rues naufragées, la mort n’a pas l’habitude d’errer près de ces vermines encombrantes, elle n’a pas l’habitude de donner une présence démoniaque, sa présence dans l’antre des rats. Mais la pomme l’appelle, patiemment, elle susurre de son ton grave et séducteur, elle s’assemble dans l’âme nauséabonde de la vestale stérile, un building s’élevant d’un jour à l’aurore embrunie, ce palais de vitres transparentes qui se distille dans toute sa hauteur, dans sa gloire accordée aux deux Dieux surnageant les nuages de lait. Signy l’identité d’une souveraine oubliée parcourt les marches édentées, croise les plumés, alors le septième étage lui est refusé : mauvaise lui dit-on, elle ne s’en préoccupe pas, lance un sourire vaguement haineux pour ces cohortes d’affreux, les anges semblent occupés, les démons tout autant. Elle doute, se questionne, elle hante quelques couloirs, observe, lointaine, les silhouettes, les pantins articulés se dévorant les chairs, se tuant au feu du labeur mensonger. Elle n’est pas venu le revoir, lui, cet être méprisable, son amour éteint dans la flamme vengeresse, elle n’est pas venue chercher les quelques esprits s’étant enfuit de son joug dans les derniers cercles de l’enfer. Elle est venue pour espérer, un lendemain strident, un lendemain brûlant.

Bouche ardente, lippes cruelles, sur le cou de l’empereur elle se délecte la vipère ; elle prend les rois dans ses orbes éclatantes, chatoyant la dévotion aux caresses funèbres. Lui, ce n’est pas pareil, c’est l’enfant voulu, l’enfant jalousé, l’enfant créé du père, du mari, du saint détesté. « Tu devrais faire attention Hyacinthe. » Les mots effleurent les murs, délicates attentions empruntes de danger, elle parle à la famine, cette choses suintant les gourmandises, maudite par les dérisoires, les maîtres du sadisme, les cavaliers ont sa préférences, engins de curiosité dont elle se plait à observer les vertèbres. Un baiser qu’elle lui offre, sur la joue, se rhabille lentement, la robe coulant sur ses formes exquises, vespérale femme au sourire angélique.